Département des pêches de la FAO - COMITE DES PECHES
Janvier 1997 COFI/97/Inf.6

FAO

COMITE DES PECHES
Vingt-deuxième session
Rome (Italie), 17-20 mars 1997
LE ROLE FONDAMENTAL DU SUIVI, DU CONTROLE ET DE LA SURVEILLANCE DANS L'AMENAGEMENT DES PECHERIES


INTRODUCTION

1.     Le suivi, le contröle et la surveillance des pêches (SCS) sont un élément essentiel de l'aménagement des pêcheries dont ils font partie intégrante1 . Les programmes de SCS ont pour but de veiller à la mise en application, rapide et complète, des mesures d'aménagement, une fois que celles-ci ont été acceptées et adoptées par l'autorité compétente. Ils reposent sur la présomption que les Etats sont désireux, et capables, d'exercer un contröle efficace sur leurs navires de pêche et que, dans le cas de pêcheries internationales, l'Etat du pavillon veillera à ce que ses navires de pêche respectent pleinement les dispositions pertinentes du droit international et les modalités d'aménagement de la pêcherie concernée.

CONSIDERATIONS IMPORTANTES EN MATIERE DE SCS

2.     Dans ce domaine, il n'y a pas de solution unique pour toutes les situations de pêche, tout comme il n'existe pas de démarches correctes ou incorrectes pour la mise en oeuvre de programmes de SCS. En effet, à bien des égards, ces programmes, qui reposent sur de solides principes d'aménagement des pêcheries, devraient être adaptés à la pêcherie concernée et tenir compte d'éléments aussi divers que la nature du stock aménagé, l'état et le niveau d'exploitation du stock, la portée et l'ampleur des opérations de pêche, l'efficacité du contröle exercé par l'Etat du pavillon, la nature et la gravité des infractions commises à l'intérieur d'une pêcherie, le rapport coüt-efficacité des mesures de SCS existantes et autres considérations sociales et économiques.

3.     Il convient de tenir compte, au niveau des politiques comme dans la pratique, du fait que pêcheries industrielles et pêcheries artisanales requièrent des systèmes de SCS fondamentalement différents. Alors que les principes d'aménagement des pêcheries sur lesquels tous les programmes deSCS reposent, sont similaires quant à leur nature (nécessité de promouvoir une utilisation durable des ressources), en revanche les moyens et les mécanismes à mettre en oeuvre pour assurer cette durabilité diffèrent.

4.     Les pêcheries industrielles requièrent des systèmes de SCS intégrés et d'un bon rapport coüt-efficacité, puisque les programmes à mettre en oeuvre dans ce secteur peuvent comporter des sous-programmes onéreux, comme le placement d'observateurs, le déploiement de centrales de surveillance spécialisées ou polyvalentes, et l'utilisation de registres des navires de pêche. Aux fins de l'élaboration et de la mise en oeuvre de programmes de SCS destinés aux pêcheries industrielles, il convient d'engager en priorité des consultations avec l'industrie afin d'en obtenir l'appui, et ce pour un plus grand respect des normes de la part des pêcheurs autorisés. Des accords de licence bien conçus pour les navires de pêche2 et la participation de l'industrie aux programmes de SCS, devraient permettre de contenir le coüt de ces programmes pour ce qui concerne les pêcheries industrielles.

5.     Les programmes de SCS qui s'adressent aux pêcheries industrielles, devraient être axés sur le suivi (ou la surveillance) des activités des flottilles. Toutefois, en cas de violations des dispositions concernant l'aménagement, des mesures coercitives appropriées et d'application rapide devront être également prévues afin de dissuader les pêcheurs de se livrer à nouveau à de telles activités. Des dispositions de ce type sont essentielles parce que la pêche illégale ou les activités connexes (comme, par exemple, le transbordement non autorisé des captures) peuvent compromettre la mise en oeuvre des programmes d'aménagement et, à l'extrême, risquent de rendre vains les efforts déployés pour assurer l'exploitation rationnelle d'une pêcherie.

6.     Pour ce qui concerne les flottilles industrielles, il est possible de surveiller ces navires de pêche de façon efficace et peu coüteuse en recourant à des systèmes de suivi des navires de pêche (SNP)3 . Cette technique permet la localisation immédiate d'un navire de pêche et l'obtention d'informations détaillées sur ses activités, ainsi que la transmission quasiment en temps réel des données, concernant les captures et autres, utiles pour l'aménagement des pêcheries (par exemple, la situation des quotas). Pour certaines pêcheries, l'installation de répondeurs à bord des navires de pêche est une nécessité et d'ici cinq ans, les autorités responsables de l'aménagement de toutes les grandes pêcheries industrielles exigeront probablement que de tels dispositifs soient mis en place sur les navires de pêche.

7.     Dans les pêcheries artisanales, le recours aux systèmes classiques de SCS (placement d'observateurs, navires et avions de surveillance, etc.) s'avère coüteux et inefficace, et cela en raison du très grand nombre de pêcheurs, d'engins de pêche en tout genre et de points de débarquement qu'une pêcherie peut compter. Aussi, aujourd'hui, reconnaît-on généralement que pour ces pêcheries, il convient de promouvoir des stratégies d'aménagement axées sur la communauté, c'est-à-dire qui utilisent les structures traditionnelles et communautaires pour renforcer les dispositions prises par une communauté en matière de pêche. Ne pas tenir compte de ces dispositions risquerait d'exposer les pêcheurs à de lourdes sanctions sociales qui, souvent, vont bien au-delà de la simple activité de pêche.

POLITIQUES ET OPERATIONS NATIONALES DE SCS ET COOPERATION REGIONALE

8.     La responsabilité de la définition des politiques nationales de SCS devrait être clairement attribuée aux autorités gouvernementales pertinentes. Bien souvent, à la contribution fondamentale que l'autorité responsable de l'aménagement des pêcheries apporte à ce processus, s'ajoute celle que d'autres organismes gouvernementaux chargés d'opérations de SCS ( comme par exemple, la Marine, la Police ou les gardes-cöte) peuvent être appelés à fournir. De plus, les politiques et stratégies de SCS devraient tenir compte du résultat des consultations engagées avec l'industrie au sujet des programmes de SCS. Ces politiques, qu'il serait réaliste de définir en fonction des ressources financières disponibles, devraient être étayées par une législation sur les pêches sans ambiguïté pour une mise en application efficace et facile.

9.     Si d'un cöté l'accent est mis sur la nécessité de laisser au gouvernement la responsabilité de la définition des politiques de SCS, il n'en va pas nécessairement de même pour les aspects opérationnels des programmes de SCS. Isolément ou en coopération, la Marine, la Police ou les gardes-cötes sont traditionnellement chargés des opérations de SCS. Toutefois, l'utilisation des centrales militaires à des fins de SCS n'est pas toujours vraiment indiquée, considérant leur coüt élevé et autres contraintes logistiques. Aussi, la participation d'opérateurs de SCS privés sous contrat tend-elle à se développer, pour des raisons essentiellement financières.

10.     La coopération régionale en matière de SCS, surtout entre pays en développement, présente des avantages sur le plan financier et opérationnel. Alors que bien des pays en développement pourraient se trouver individuellement désavantagés s'ils tentaient de mettre en oeuvre des programmes de SCS, notamment en cas de stocks de poisson partagés et de flottilles communes à forte mobilité, la coopération régionale en matière de SCS peut être encouragée aux fins d'un meilleur aménagement des pêcheries4 . Le bien-fondé et les mérites des initiatives régionales de SCS ont été reconnus par de nombreux organismes techniques et d'aide au développement, multilatéraux et bilatéraux.

CONSIDERATIONS FINANCIERES

11.     L'évaluation du rapport coüt-efficacité est fondamentale, et ce pour tous les programmes de SCS. Préalablement à la mise en oeuvre d'un système de SCS, il convient d'analyser attentivement les avantages et les coüts des différentes solutions possibles. Bien évidemment, si le coüt des opérations de SCS s'avère supérieur aux avantages financiers et autres escomptés, il faudra alors envisager d'autres solutions moins coüteuses.

12.     Il est désormais bien établi dans un certain nombre de pays que, les pêcheurs étant parmi les principaux bénéficiaires des programmes de SCS, l'industrie de la pêche devrait supporter une partie croissante, voire la totalité, des coüts relatifs à ces programmes. Ces coüts peuvent être aisément répartis au prorata entre les pêcheurs, en les intégrant à leurs cotisations ou droits de licence (c'est-à-dire un coüt de production). Aussi, tant par principe que pour améliorer l'efficience économique en internalisant les coüts au sein du secteur des pêches, devrait-il être demandé à l'industrie halieutique d'assumer une partie grandissante des coüts de SCS. Une telle démarche inciterait également les pêcheurs à mieux respecter les dispositions en matière d'aménagement, ce qui déterminerait une baisse des coüts de SCS.

NECESSITE D'UNE NOUVELLE EVALUATION DU SCS

13.     La participation de la FAO à la promotion de politiques et de pratiques de SCS remonte au moins à 1981, c'est-à-dire à la convocation par l'Organisation d'une Consultation d'experts sur le suivi, le contröle et la surveillance, à laquelle des experts de 12 pays membres avaient pris part5 . Il s'agissait d'étudier les concepts de base, les pratiques et les problèmes relatifs au SCS, à la lumière de l'extension de la juridiction des Etats cötiers, prévue dans la Convention de 1982 sur le droit de la mer. Les résultats de cette Consultation ont depuis guidé les travaux de la FAO en matière de SCS6 .

14.     Plus récemment, la fréquente non-réalisation des objectifs d'aménagement visés a déterminé au niveau international une prise de conscience accrue de la nécessité de mettre en oeuvre des programmes de SCS efficaces. Cette exigence est reconnue entre autres dans la Convention de 1982, dans le Chapitre 17 du Programme Action 21 de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, dans le Code de conduite de 1995 pour une pêche responsable, dans l'Accord de 1995 aux fins de l'application des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà des zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs, et dans le Rapport du Groupe de travail spécial intersessions chargé des questions sectorielles de la Commission du développement durable.

15. La constante dégradation de l'état des stocks mondiaux de poissons, la migration des flottilles de pêche, les grands progrès réalisés en termes de disponibilité et de coüt des systèmes de SCS et des techniques associées, ainsi que la prise de conscience croissante au niveau international des besoins en matière de SCS et du röle de ces systèmes dans l'aménagement des pêcheries, ont rendu nécessaire une révision, voire même la redéfinition du röle du SCS dans l'aménagement des pêcheries. Sur la base des résultats de la Consultation d'experts sur le suivi, le contröle et la surveillance convoquée par la FAO en 1981 et compte tenu des conférences organisées et des connaissances acquises depuis lors aux niveaux national et international, il est maintenant temps de procéder à cette évaluation.

16.     Pour ce faire, et considérant l'importance que revêt le SCS dans l'aménagement des pêcheries, le Comité pourrait envisager de convoquer une consultation technique, pour autant toutefois qu'il y ait une offre d'accueil, pour étudier la question à la lumière des nombreux et importants éléments nouveaux enregistrés au cours des quinze années écoulées.


1 Dans le présent document, l'aménagement des pêcheries comprend leur conservation et développement et a pour objectif l'exploitation durable des ressources halieutiques.
2 Les pêcheurs autorisés doivent être incités à respecter les dispositions concernant l'aménagement des pêcheries afin de limiter les exigences opérationnelles et de réduire le coût des programmes de SCS. Des mesures doivent donc être prises pour modifier la condition de libre accès aux pêcheries par le biais d'accords de licence appropriés. S'il existe en matière d'octroi de licences, de nombreuses formules possibles, au plan national ou international pour une pêcherie spécifique, la tâche de SCS est toutefois grandement facilitée si ces accords de licence confèrent un droit de quasi-propriété sur les pêcheurs. Ces derniers seront alors moins enclins à mépriser les dispositions en matière d'aménagement et veilleront à ce que les autres opérateurs respectent eux aussi les mesures convenues.
3 Il faut également savoir qu'un programme de SCS efficace et bien conçu (dont le suivi électronique des navires de pêche fait partie intégrante) permet certes un meilleur aménagement des pêcheries, mais également de renforcer la sécurité des navires de pêche et de leurs équipages et de réaliser un transfert d'informations commerciales en temps réel qui, en rendant possible en pleine mer la prise de décisions concernant la livraison des captures à un port plutôt qu'à un autre, peut déterminer un supplément de recettes sensible. Cette dernière possibilité s'est avérée importante pour les pêcheurs de certaines pêcheries industrielles (par exemple, celles de la côte Est des Etats-Unis).
4 Des programmes de coopération régionale en matière de SCS sont actuellement mis en oeuvre par divers petits Etats insulaires en développement des Caraïbes, de l'Océan indien et du Pacifique Sud, ainsi que par les Etats côtiers d'Afrique de l'Ouest. Voir par exemple "Rapport d'un Atelier régional sur le suivi, le contrôle et la surveillance organisé à l'intention des Etats africains riverains de l'océan Atlantique", GCP/INT/466/NOR-Document de travail 93/22, FAO, Rome, 103pp.; et Report of the Global Fisheries Enforcement Workshop, Département d'Etat des Etats-Unis, 1995. Department of State Publications 10256, Washington D.C., 217pp.
5 FAO, 1981. "Report of an expert consultation on monitoring, control and surveillance systems for fisheries management". FAO Report FAO/GCP/INT/344/NOR. FAO, Rome, 115pp.
6 Pour de plus amples informations concernant la Consultation et les travaux menés depuis par la FAO en matière de SCS, voir Doulman, David J., 1994. "Technical assistance in fisheries monitoring, control and surveillance: A historical perspective of FAO's role". FAO Fisheries Circular N. 882. FAO, Rome, 19pp.